entete kiki

Dans une maison de Châtillon-sur-Seine, une femme (saoulée pour l’occasion) met au monde son troisième enfant. Contrairement au deux précédents, ce bébé vivra. Alice Prin (c’est son nom) est promise à un grand avenir, et les conditions alcoolisées de sa naissance ne font qu’anticiper son destin de fêtarde et de femme libre. Car si Alice Prin est son état civil, la postérité et le monde de l’art l’immortaliseront plutôt sous le nom de Kiki de Montparnasse.
Modèle convoité par les plus grands artistes de Paris, célèbre compagne de Man Ray, puis chanteuse de cabaret et artiste-peintre, elle est le symbole du Montparnasse de l’Entre-Deux-Guerres. Elle a également été élue reine de Montparnasse, titre jusque-là jamais remis en jeu. Pourtant, elle est aujourd’hui plus ou moins tombée dans l’oubli, et les personnes qu’elle a côtoyées sont, dans nos mémoires, autrement plus célèbres qu’elle : Man Ray bien sûr, mais aussi Jean Cocteau, Amedeo Modigliani, Louis Aragon, Ernest Hemingway, Pablo Picasso, Paul Eluard, et j’en passe.

C’est donc un plongeon historique et artistique que nous proposent José-Louis Bocquet, le scénariste, et Catel, l’illustratrice. Ils nous livrent un ouvrage instructif sur une page de notre histoire culturelle en compagnie des plus grands. A la poursuite d’un Paris disparu, à l’image des débuts de chapitres (les dates, les adresses, les façades), Kiki de Montparnasse respire l’ambiance rétro et l’agitation du Montparnasse des années 20. Une ambiance dans laquelle nous avons tous aimé nous aventurer.

C’est aussi et surtout le caractère d’une femme hors du commun : personnage impudique et festif pour Lunch ; femme exceptionnelle à la vie extrême, artistique et éparpillée pour Champi ; enfant spontanée, personnage rustre mais touchant, semblable à Edith Piaf pour Mo’ ; frivole, autonome et libre pour OliV ; dynamique et pleine de joie de vivre pour moi. Si son côté libertaire m’a pas mal dérangée, elle est, pour OliV, plutôt en avance sur son temps. Finalement, cette biographie remet les pendules à l’heure de l’égalité des sexes. Une chose est certaine, sa personnalité ne laisse personne insensible ! Elle est pourtant morte dans l’indifférence, à l’image de tant d’artistes.

Quant à la construction du récit, les avis sont partagés. Lunch trouve le registre vivant et la biographie agréable malgré l’épaisseur du livre (368 pages). De mon côté j’ai apprécié que les auteurs aient évité l’écueil rébarbatif typique des biographies. Pour Mo’, au contraire, les chapitres courts saccadent beaucoup la lecture. Elle remarque toutefois que cette brièveté crée un rythme dans le récit. Ce sur quoi OliV rebondit, estimant que les non-initiés peuvent vite avoir une impression de lecture en « saut de puce ».

Votre lecture se terminera sur quelques bonus : une chronologie de la vie de Kiki, ainsi que la biographie des principaux protagonistes. Un riche travail d’information qui permet de resituer les événements.

Finalement, nous avons passé un bon moment de lecture même si certains avis restent mitigés :
– Pour Champi, c’est un livre magnifique et indispensable.
– Pour Lunch, il est très agréable et superbement romancé.
Mo’ est restée sur une impression en demi-teinte qui ne peut que se bonifier avec le temps. Cette lecture a été pour elle l’occasion de se refaire l’intégrale d’Edith Piaf en musique de fond.
OliV estime d’ailleurs que c’est une lecture faite pour les nostalgiques des années folles.
En ce qui me concerne, je reste persuadée que Kiki de Montparnasse est un livre à lire.

A savoir : Kiki de Montparnasse a été récompensé par le public avec le prix FNAC-SNCF à Angoulême en 2008. Par ailleurs c’est désormais la BD éditée chez Casterman la plus lue au monde grâce au rachat des droits par les Chinois. Ce qu’ils n’avaient plus fait depuis Tintin !

A noter que de leur côté José-Louis Bocquet et Catel ne se sont pas arrêtés à cette seule coopération. On les retrouve ensemble sur un deuxième tome de En chemin elle rencontre (dont vous avez déjà retrouvé le premier tome ici) et sur Quatuor.
Ils semblent également avoir apprécié cette coopération féministe et biographique : ils avaient déjà fait ensemble une biographie sur Edith Piaf dans la collection BD Chanson des éditions Nocturne et les bédéphiles les retrouveront le 8 mars prochain, à nouveau dans la collection Ecritures, avec la biographie d’Olympe de Gouges.
Et si Catel se complaît dans ces partenariats biographiques, son nom n’est pas inconnu dans la BD jeunesse puisqu’on la retrouve notamment au dessin des Papooses et plus récemment de Top Linotte.

avatar-badelel-couleur-transp

Une réponse "

  1. Mango dit :

    Malgré l’avis mitigé de Mo’ et de Oliv’, j’ai bien envie d’aimer cet album. D’ailleurs ces années endiablées ne me déplaisent pas! :)

  2. Joelle dit :

    J’avais bien aimé et je ne me rappelle pas des courts chapitres … comme quoi, ils n’ont pas du influer sur ma lecture. Par contre, j’ai appris beaucoup de choses sur cette période et ce milieu que je connaissais mal !

  3. Badelel dit :

    Mango : si tu aimes cette période, n’hésite pas. Rien que pour l’ambiance ça vaut le coup. J’ai personnellement été assez impressionnée par le défilé de personnalités, et l’esprit festif n’est pas en reste. Joëlle : le découpage ne m’a pas dérangée non plus. Cela dit, c’est tout l’intérêt de K.BD de montrer qu’une BD peut ne pas faire l’unanimité ^^

  4. […] Japon (Collectif), 2005 Le Journal de mon père (Jiro Taniguchi), 2004 Junk Love (Chaemin), 2011 Kiki de Montparnasse (José-Luis Bocquet & Catel), 2007 Lily Love Peacock (Fred Bernard), 2006 Louis Riel, […]

Laisser un commentaire