entete apathie

Alors que c’est généralement la bonne humeur qui règne en cette période estivale, k.bd a cependant choisi d’aborder un thème assez lourd en ce mois de juillet. Au risque de plomber l’ambiance, c’est donc la mort qui accompagnera nos lectures et comme celle-ci ne frappe habituellement qu’une seule fois, ce sont des one-shots abordant le sujet qui vous seront proposés. Si la mort a tendance à angoisser certaines personnes, le thème s’avère néanmoins aussi fascinant qu’universel et est très souvent utilisé comme matière première de nombreuses créations artistiques.

Parmi les nombreux choix possibles, c’est L’accablante apathie des dimanches à rosbif qui ouvre donc ce bal morbide. Si le titre de cet album n’est pas particulièrement alléchant, avouez tout de même qu’il est suffisamment intriguant pour qu’on ait envie de savoir de quoi ça parle.

L’accablante apathie des dimanches à rosbif raconte l’histoire de Brice Fourrastier, un comique de métier qui vient de fêter ses quarante ans et qui n’ira malheureusement pas beaucoup plus loin. Victime de maux de ventre récurrents, il vient d’apprendre qu’il ne lui reste plus que trois mois à vivre. Passé le choc de ce verdict sans appel, Brice décide d’organiser son dernier spectacle, celui qui lui permettra de tirer sa révérence et de faire ses adieux à la scène et à ses proches…

Alors ? Elle n’est pas plombée l’ambiance là ? Heureusement pour vous, cet adepte du one-man show est un grand comique et sa sortie de scène sera souvent plus théâtrale que larmoyante. Si l’idée d’accompagner les derniers instants d’un malade en phase terminale n’a rien de vraiment réjouissant, Gilles Larher parvient néanmoins à prendre le lecteur à contre-pied en choisissant un comique comme personnage central. L’album invite certes à réfléchir sur la mort, mais ne s’attarde pas sur la lutte contre la maladie. Ce qui intéresse l’auteur, c’est ce petit bout d’existence qu’il reste à remplir, les dernières minutes d’un spectacle nommé « vie ».

En combinant un ton humoristique à un sujet extrêmement douloureux, l’auteur évite de tomber dans l’écueil du pathétique. Cette dérision permet de faire passer la pilule et le décalage entre le comique de situation employé et la gravité du thème fonctionne à merveille. Même si la narration très bavarde de certains passages et la qualité des extraits de sketches de Brice Fourrastier peuvent rebuter, pour un premier album, l’écriture, principalement sous forme de monologue, est d’une maestria incroyable. Gilles Larher parvient à mélanger un humour d’une grande finesse qui incite au rire et des émotions profondes liées à cette acceptation progressive de la mort, qui ne manqueront pas de faire fondre les plus sensibles en larmes.

Mais, ce qui démarque cet album des autres, c’est l’empathie éprouvée envers ce personnage purement fictif. Brice Fourrastier, celui que l’on va enterrer, est une bête de scène, mais également un séducteur invétéré. Malgré le peu de points en commun, l’identification se fait au fil des pages et c’est finalement corps et âme que le lecteur l’accompagne dans cette tournée d’adieu qui l’emmène inéluctablement vers sa dernière révérence. Une ultime tranche de cette vie abruptement écourtée, dont il profite pour informer ses proches et pour leur faire ses adieux. Oui, L’accablante apathie des dimanches à rosbif raconte cela : la rencontre entre le sourire de l’artiste et la détresse de l’humain et surtout comment il en arrive à lancer cet ultime adieu en forme de pied de nez chargé d’amour et de tendresse à tous ceux qui l’ont aimé.

Dans ces moments où l’on évite d’arborer trop de couleurs, le graphisme noir et blanc de Sébastien Vassant accompagne avec pudeur cette véritable montagne russe de sentiments contradictoires. Si Mo’ n’accroche pas vraiment au dessin et ne semble finalement pas trop fan de l’artiste, elle aura su s’attacher à l’homme. Paul a également apprécié la description psychologique assez poussée du personnage principal et cette narration qui échappe aux écueils habituels. David ressort complètement retourné de cette lecture, cassé par cette lutte inégale contre la mort et par cette inexorabilité qui est acceptée, non sans difficulté, par le héros. Quant à moi, j’ai relâché cette œuvre totalement vidé. Vidé d’avoir accompagné un mort en sursis durant ses derniers instants, d’avoir pleuré la mort d’un type que je ne connaissais n’y d’Eve ni d’Adam, un gars sympa avec qui j’ai passé de bons moments et bien rigolé et qui m’a abandonné plein de désarroi au moment de tourner la dernière page.

Repose en paix Brice, les lecteurs de k.bd sont ravis de t’avoir connu !

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Une réponse "

  1. Monsieur Dany dit :

    INtéressant, ça donne le goût de la lire, même si ce n’est pas vraiment ce qu’on pourrait appeler une petite lecture d’été…

  2. Lunch dit :

    Quand je lis toutes les bonnes chroniques de mes camarades, ça donne quand même envie de lire, au moins par curiosité, vacances et soleil ou pas :)

  3. Mo' dit :

    Le thème est bien traité, dépourvu de pathos. Il ne faut pas se fier à une impression de lourdeur liée à la réflexion sur la mort, il y a ici une fraicheur surprenante.

  4. Joelle dit :

    J’avais déjà été intrigué par le titre et votre synthèse finit de me convaincre qu’il faut absolument que je mette la main dessus ! Et il faut peut-être que je prévois les mouchoirs aussi ;)

  5. […] L’Accablante apathie des dimanches à rosbif (Gilles Larher & Sébatsien Vassant), 2008, Futuropolis […]

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