Octobre s’avance en douceur, avec ses bonnes odeurs de champignons dans les sous-bois, de soupes qui mijotent et de nuits qui s’allongent.
Pour lutter contre un froid de plus en plus mordant et les frissons provoqués par les murmures des loups à deux pas de nos portes branlantes, blottissons-nous au coin du feu à la chaleur d’un vieux livre à l’épaisse couverture battue par les ans.
Les pages craquent, une fine poussière s’envole, le parfum du papier jauni et de nos soirées d’enfance remonte à la surface.
« Il était une fois… »
Pourquoi une seule ? Et pourquoi parler au passé de ces contes presque éternels qui nous suivent, nous veillent et nous dominent un peu depuis si longtemps ?
Voilà pourquoi k.bd nous propose ce mois-ci d’ouvrir nos livres au son d’un « il est une autre fois » nous rappelant combien les contes de tous temps et tous horizons ne cessent, depuis notre première rencontre, de nous accompagner.
Fables, de Bill WILLINGHAM et Lan MEDINA (dessinateur du premier tome) tombe à point nommé pour ouvrir simultanément tous les livres de notre bibliothèque d’antan.
« Nous revisitons ici nos contes d’enfants. Que sont devenus les héros qui les peuplaient ? » s’interroge Mo’ en découvrant un Grand Méchant Loup qui a rangé ses crocs (en apparence au moins) et une Blanche Neige autoritaire et déterminée aux antipodes du cliché disneyen.
Oui, vous avez bien lu : le grand poilu et la petite pâlotte partagent la même histoire. Mieux : ils travaillent ensemble ! En cherchant bien, vous trouverez même dans leur entourage Jack, Rose, Prince Charmant, Barbe Bleue, un cochon, un singe ailé et j’en passe… Une vaste galerie issue du « riche et séculaire bain littéraire des contes, légendes, comptines et mythes populaires de l’Ancien (surtout) et du Nouveau Monde » (Champi), tous unis dans un douloureux exil.
En effet, chassés par un Adversaire (avec un grand A) qui a conquis leurs royaumes les uns après les autres, ces êtres de légende ont trouvé refuge… sur notre bonne vieille Terre (qui leur ménageait déjà une place de choix depuis bien longtemps).
Voilà donc les Fables, comme ils se nomment eux-mêmes (par opposition aux Communs que nous sommes) obligés de cohabiter en toute discrétion (survie et tranquillité obligent !) parmi nous.
Ce qui est loin d’être une mince affaire au vu des difformités des uns (ai-je bien vu des cornes pousser sur la tête de cet homme ?) et du ressentiment des autres (qui a dit que Barbe Bleue était insoupçonnable dans la disparition de la jeune et jolie Rose ?).
A partir d’un tome 1 offrant une enquête complexe, Fables déroule une longue série au rythme inégal : « [le scénario] nous capte rapidement et s’aide pour cela du personnage de Bigby (le grand méchant loup). Le bémol : des conclusions hâtives, tirées par les cheveux. La pilule serait certainement mieux passée si le lecteur avait eu connaissance d’éléments supplémentaires sur la psychologie et le parcours des personnages », regrette Mo’. Il est vrai que les protagonistes sont nombreux, les histoires denses et que les lecteurs n’ont pas toujours toutes les clefs en main.
A mes yeux plus indulgents (mais je n’ai lu que le premier tome), « le tout est de fort bonne facture, original et prenant, teinté d’un humour bienvenu et maîtrisé » (vous apprécierez je pense la manière dont le Grand Méchant Loup paie ses dettes vis-à-vis d’un certain cochon…).
Mais Fables ne se résume pas à un seul tome, loin de là : Mo’ présageait « une looooongue série », ce qu’Yvan nous confirme en chroniquant les lointains tomes 13, 16, 19 et 20 ! De quoi d’ailleurs vous dévoiler trop de secrets si vous n’en êtes pas encore là, donc prudence, prudence ! Il nous indique toutefois que le scénariste a élargi sa mine de pépites inspirationnelles (si, si, j’assume ce mot barbare !!) en lorgnant du côté des « légendes arthuriennes » ou des « super-héros ». Sans compter « un cross-over entre les différentes séries de l’univers de Fables ». Tout un programme !
Une richesse et une complexité qui ne seraient pas sans rappeler Alan MOORE, parfois, ce qui n’est pas rien !
Graphiquement, la série suit la loi du genre en la matière : la foule de dessinateurs génère une qualité inégale. Pour Mo’, « loin d’être clinquant, [le dessin] est raisonnablement aguicheur alors qu’il fait évoluer des personnages de magie. Je me serais peut-être attendue à voyager plus à ce niveau. »
Les hors-cases offrent souvent un spectacle un peu plus original, « habillés d’arabesques » (Champi) tandis que certaines cases regorgent parfois de « détails inutiles mais indispensables » (bis).
Les personnages, « solides et très expressifs mais peut-être parfois un peu raides » pour Champi, sont jugés « superficiels [à cause de] la présence trop timide de rides d’expressions », pour Mo’ : magie du désaccord critique !
Yvan reste bien plus évasif sur le sujet, porté avant tout par une histoire qui ne cesse de s’enrichir et de prendre des dimensions toujours plus épiques. Du grand spectacle !
Série pas encore fleuve (mais déjà rivière comptant bon nombre d’affluents !), Fables, au rythme et au dessin inégaux, offre une belle et riche relecture d’innombrables mythes, contes et légendes.
En jouant avec les archétypes que la plupart de ces figures historiques (qui peuplent nos histoires) sont devenues, en en prenant parfois le contre-pied et en mêlant les imaginaires, Bill WILLINGHAM brosse une vaste épopée qui s’étire peut-être un peu trop en longueur mais qui se renouvelle en permanence, alternant trame de fond et petites touches récréatives.
Un univers à redécouvrir pour faire perdurer un genre qui, depuis des siècles, se nourrit de ses racines pour pousser toujours plus haut, toujours plus beau.
Champi : « Une histoire relativement originale dont un des intérêts est, par ses innombrables références, de nous permettre de nous plonger ou replonger dans des histoires méconnues et surtout d’imaginer ce qui va bien pouvoir arriver à tous ces personnages aux destins immuables. »
Mo’ : « Une fois qu’on a mis un pied dans Fables, il est assez difficile d’en décrocher. »
Yvan : « Me voilà définitivement fan de cette série ! »
C’est qui Alan Moore ?
Ah lala, on a du boulot Champi :P
Alan Moore est l’auteur, entre autre, de livres comme V pour Vendetta, From Hell, La ligue des gentlemen extraordinaires et j’en passe.
Ah ! V pour Vendetta je connais ^^ ça m’avait beaucoup marqué à l’époque
[…] fait quelques incursions dans le monde du Comics de super-héros (Justice League, Doom Patrol, Fables…) ! Pour sa version française, Château l’Attente est initialement paru chez Çà et […]
[…] là, 2007 – Étoffe des légendes, L’ (Mark RAICHT, Charles Paul WILSON III), Soleil, 2001 – Fables (Bill WILLINGHAM & Lan MEDINA), Semic, 2004 – Habibi (Craig THOMPSON), Casterman, 2011 – Mille […]
[…] évidemment d’autres occasions de lire cet auteur, notamment pour sa participation à la série Fables et en 2010 suite à la sortie du Sourire éternel (en collaboration avec Gene Luen Yang aux […]